Les-Aeriennes

Les choses gardent la trace des mers où elles ont roulé, des terres où elles furent couvées, des forêts qui se sont élancées un instant à la face du ciel. Celui qui place sa tête sur le tronc de l’arbre fait bien plus que se mettre à l’ombre, il demeure un instant dans la pulsation d’un monde qui a déjà passé et qui reste pris dans l’étreinte des racines et des branches.

Cette indocile fragilité de l'être, ce battement de cil de l'éphémère, est ce qui me serre le coeur dans le travail de Sonia Fleischmann.

Nos rêves sont nôtres mais ils sont sans voix. Et à travers ces rêves nôtres s'esquissent les présences des absents qui, avant nous, rêvèrent sans pouvoir le dire, de sorte que nos songes ont hérité des leurs.

Toute chose est, pour peu qu'on lui prête un peu de regard, une évocation. Il est des lieux qui nous font trembler sans qu'on puisse dire pourquoi. Leur silence nous appelle, nous interpèle, nous réveille à ces songes jamais loin et qui dansent - sous la surface.

Ce qui devient beau, c'est quand une personne dessine pour nous un rêve qu'on aurait pu faire, de telle sorte que sans lui donner voix, elle lui donne corps, le temps d'un suspens où sans hésitation s'entr'aperçoit ce qu'on cherche, depuis longtemps, à reconnaître.

J'appelle miracle cette poésie et poésie ce miracle, de donner chair à l'évanescence sans la détruire ou la dénaturer. 

L’artiste est la harpe des choses, elle les fait chanter. Elle dévoile le sens de ce qui est là tout proche, que le cœur respire mais, trop souvent, sans l'étreindre. On se tourne alors vers l’œuvre comme on élève le coquillage à l’oreille pour écouter, à travers elle, la rumeur secrète des mondes - qui s’évanouirent et qui demeurent là, à portée de souffle. 

D'un fil, d'une encre,

coudre l'espace et caresser le vide,

faire fléchir la distance de tout ce qui se croit séparé -

travail

bouleversant dans sa pudeur même. 

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