Les-Aeriennes

- Ah, dit-elle. La nuit tombe.

La lumière de ce jour d'automne a flirté avec les ombres comme pour étreindre, enfin, les ténèbres qui toujours fuient devant l'aube - prolongeant la nuit, appelant le soir, il a fait pluie à la façon dont il fait parfois brouillard, obstinément.

Les jours sombres sont doux aux coeurs tristes, parce qu'ils ne les rudoient pas. C'est une sorte de pudeur - puisque tous doivent chercher la lumière, ceux chez qui elle vacille se sentent moins seuls. Et puis tout devient miracle, sous le gris. Si le soleil avait été vif, on aurait cherché l'ombre - mais la gangue des nuées la rend inutile et sertissant la gemme précieuse d'un éclat de ciel, révèle celui-ci plus qu'elle ne le recouvre.

Longtemps j'ai cru qu'il fallait chercher quelque chose, aller quelque part, courir après quelqu'un. Aujourd'hui était la promesse de demain, d'un ailleurs où quelque chose, enfin, s'accomplirait. Et l'effort tendu pour le faire donnait toute leur raison aux heures, effaçant l'instant au profit d'un après qui rebondissait comme la pluie sur le sol, s'étalant en flaques où j'apercevais le reflet pâle de ce qui serait, plus tard.

Pourtant dans ce monde sans ailleurs, c'est dans la coupe de nos mains que les gouttes de temps deviennent miroir d'ici, lorsqu'on les accueille pour ce qu'elles sont - un moment sans raison d'être sinon d'être, simplement. La sagesse est celle des arbres : s'étirer vers le ciel, non pour l'atteindre, mais pour respirer la force de s'ancrer au sol puisque la vie est sans autre secret que de vivre et que tout ce qui peut être est déjà là. C'est maintenant qu'éclot l'espace où être libre, dans l'interstice du passé défait et du futur qu'il ne sert à rien de penser trop, quoi qu'il advienne.

Ainsi le jour de pluie devient-il ce qu'il est - loin de nous priver de lumière, il la décline, dans une de ces inépuisables variations qui, dans leur vibration d'être, font la vie.

La nuit tombe. Ne craignons rien.